Argument
Dans cet opus pour piano seul, l’intention a été de construire un récit musical intérieur par séquences, un récit qui suit au plus près les états émotionnels-ou spleens- d’un personnage noyé dans la foule urbaine de notre époque.
Une phrase musicale disposée en faux échos successifs fonctionne comme une horloge qui rythme implacablement puis clôt ce récit.
Pour le compositeur, il s’agira plus précisément d’un affrontement exalté entre le moi intime d’un simple citadin capté par son milieu naturel, à savoir la Ville et le déroulement implacable du Temps qui n’est peut-être plus finalement que le seul repère possible.
Tout autant que le piéton de Baudelaire, notre contemporain semble éprouver une même fascination pour le beau et le bizarre du paysage urbain, une même soumission à la mécanique citadine et sa répétition quotidienne quasi-monstrueuse tout autant qu’une délectation morbide, un sentiment consenti de perte de soi, une sorte d’abandon volontaire à l’artifice de l’espace urbain et à sa sidération.
Car ces espaces construits immenses, presque sans horizon, de par leur topographie, leur structure d’activité ( transports, bureaux, logements- périphériques pour la plupart des habitants, etc...) enferment en quelque sorte le citadin d’aujourd’hui dans un lieu à la fois physique et mental sans beaucoup de recours.
En outre, la dictature diabolique du temps aujourd’hui figé sur les téléphones portables est-elle un repère formel dérisoire.
Cet ensemble espace / temps génèrent des rythmes urbains curieusement devenus addictifs par leurs superpositions multiples. Ils égarent littéralement l’homme des villes.
Cependant, nul doute que cet urbain asservi vit secrètement différentes formes de mélancolies, celle d’une autre époque plus humaine passée ou bien celle d’un autre avenir possible, alternatif et désespérément désirable.
Le Nocturne, la Foule, la Solitude puis l’Aube veulent représenter ainsi autant de situations possibles d’un tel mal de vivre dans la Cité moderne.
Symboliquement, les motifs rythmiques répétitifs de « Spleens » se veulent les reflets géométriques des obsessions de ce personnage emblématique perdu dans ses pensées et ses émotions.
Seule, parfois, une petite phrase mélodique glissée dans ces scansions rythmiques tente-t-elle de chanter une autre histoire...