Maquette sonore

Répétition publique. Association AIRS&Cie.

“Melancholia"

Jonatha Nemtanu: Piano

François Pineau-Benois: Violon

 Argument.

 

Sans doute la musique est-elle une matière presque impalpable… 

Cependant, par l’infinité de ses vibrations bien physiques, par son extraordinaire présence sensorielle, par l’importance de l’enjeu psychologique qu’elle provoque en nous, sans doute est-elle aussi une matière vivante, celle qui nous ressemble même peut-être le plus …

 

Car, tel le physicien tentant de fissurer l’atome et de maîtriser les secrets de la Matière, le geste musical semble attiré par un idéal chant des sirènes, un chant devenant progressivement palpable qui va générer une réaction en chaîne mystérieuse et se propager dans la matière bien tangible de nos émotions.

 

Ainsi, Robert Oppenheimer, à la demande du gouvernement américain, comme tout créateur un peu désemparé par son propre imaginaire, fût-il même totalement morbide, me semble lui aussi avoir été guidé par un véritable chant des sirènes en étant confronté à la question phénoménale de la Matière.

 

Le savant , sorte de Faust paradoxal, avait d’ailleurs été choisi parmi beaucoup d’autres pour ses capacités exceptionnelles d’intuition. Ce fût sans doute en ce sens, un artiste, mais un artiste du Mal. Fasciné par son œuvre terrible, il avait d’ailleurs déclaré après la guerre, d’une voix étrangement neutre :« I am become Death, the destroyer of  worlds ». 

 

Dans ce « Chant de l’atome » pour piano et violon, j’ai tenté d’imaginer le « bruit » que pouvait faire une recherche scientifique devenue folle, ce « bruit » de fin du monde qui a accompagné ce Projet Manhattan, nom de code donné par l’état-major américain au projet de bombe atomique : le « bruit » des atomes qui se séparent, le « bruit » intime de la psyché du physicien qui se questionne autant sur les formules scientifiques à mettre en œuvre que sur le bien-fondé de sa démarche, le « bruit » orphique d’une douloureuse mélodie malmenée par un terrible destin annoncé, le « bruit » mécanique de l’inexorable compte à rebours sonnant le glas d’une partie de l’humanité et enfin le « bruit » presque apaisé et élégiaque, presque tranquille, des radiations qui fument doucement sur un champ de bataille absurde et sans belligérants.